• votre commentaire
  • © Image Alain Josseau, Florence Ressier, Sigfried Bauer

     

    Artistes présentés :

    Hélène Bouju, Boo Chapple, Alain Josseau, Cathrine Kramer, Valérie Legembre, Ludwig, Zoe Papadopoulou, Michel Paysant, Chris Robinson, Christophe Ruetsch, Grit Rulhand, Alessandro Scali, Paul Thomas et Kevin Raxworthy

    Conçu volontairement selon les codes scénographiques d’une exposition artistique, Images & mirages @ nanosciences se voulait ouverte aux croisements des disciplines et des expériences afin de révéler les différentes utilisations de l’image propre aux nanosciences. Travailler l’image implique différentes possibilités selon le point de vue que l’on se donne. La curiosité, la manipulation et l’expérimentation sont intrinsèquement liées au travail des artistes tout comme celui du scientifique, mais l’esthétique des deux diffère. Ainsi, Boo Chapple (Transjuicer B, 2010) étudie les vibrations mézoélectriques d’os de vache. Son mode de diffusion fait interagir les images vidéographiques des vaches en pleine nature avec le son obtenu par les vibrations, de sorte que l’on ne sait plus s’il s’agit d’une expérimentation scientifique ou d’un prétexte artistique. Valérie Legembre (EXEO, 2010) s’introduit dans l’univers très fermé du CEA de Grenoble. En imprimant ses photographies documentaires sur ses peaux de photos - technique d’impression photographique inventée par l’artiste sur un support aussi malléable qu’un tissu de peau – elle révèle au public l’aspect humain de ces laboratoires qui alimentent souvent l’imaginaire collectif. L’image de synthèse interactive, que nous proposent Paul Thomas et Kevin Raxworthy (Nanoessence, 2009), nous introduit à l’intérieur d’une cellule de peau, figée entre la vie et la mort. Manipuler cette installation nous renvoie métaphoriquement à faire opérer la main de Dieu sur les éléments et décider de la vie ou de la mort sur les choses. Par là les artistes entendent interroger le rôle du scientifique au vu des nouvelles possibilités qu’offrent les nanosciences. Le Cloud Project de Cathrine Kramer et de Zoe Papadopoulou permet de révéler les réticences de la population vis-à-vis des avancées scientifiques. En investissant un ancien camion à glace, en le rendant attrayant avec des couleurs douces et en revêtant le costume volontairement exagéré du chercheur, elles déambulent dans les rues de Londres proposant à la vente des glaces de prime abord attrayantes, mais au slogan provoquant l’interrogation. Manger des glaces de nuages réalisées à partir de nano particules a effectivement de quoi rendre perplexe, mais ce dispositif permet d’entamer un dialogue fertile avec un public perdu entre le pour et le contre d’éléments qu’il ne maîtrise pas. Cette crainte que véhiculent les nanosciences porte essentiellement sur le développement des nanotechnologies dans les champs d’application militaire. Alain Josseau (Al-Amin, Al-Thaniyah district (collateral murder). coordonnées : 33°18’48.52’’ N, 44°30’43.17’’ E., 2010) réfléchit sur le décalage entre les possibilités limitées de la rétine humaine et les performances offertes par les nouvelles technologies développées par l’armée. Il propose un dispositif permettant d’observer le rapport d’échelle qui se joue entre ce que l’on voit réellement et ce qui est enregistré par la caméra. Ainsi, à travers une micro-gravure filmée et retransmise en direct sur l’écran, il décrypte cette polémique où des militaires américains qui ont tué par erreur des journalistes en Irak. L’artiste ne cache pas son admiration pour ces outils permettant de recomposer une image à partir de systèmes de captation issus des nouvelles technologies, mais il n’hésite pas non plus à en critiquer les travers, car quelque soit la subtilité des outils utilisés, la possibilité de voir l’invisible est toujours soumise à l’arbitrage humain. Voir l’invisible, c’est ouvrir la porte à un monde nouveau régi par des règles différentes. Ainsi la matière à l’échelle nanométrique réagit différemment aux forces de l’apesanteur. Christophe Ruetsch et Hélène Bouju (VDW, 2010) explorent ce décalage en transcrivant les forces de Van der Waals dans le langage chorégraphique et musical. Le corps ainsi transposé à une échelle nanométrique est pris dans l’impossibilité de bouger normalement. La danseuse se voit alors obligée d’adapter ses mouvements à son nouvel environnement. Cet environnement est l’objet de tous les fantasmes pour les artistes qui y découvrent de nouvelles formes. Chris Robinson (EE2, MaineGrid, MaineGrid2, MaineBarSm, Fluor) en fait le terrain privilégié de ses dessins numériques dans lesquels la matière et les éléments forment des paysages lyriques et imaginaires. S’appropriant volontiers les icônes des nanosciences, la fameuse image de Don Eigler devient le terrain privilégié d’un monde colonisé par l’homme. Imaginons maintenant l’homme réduit à l’échelle nanométrique et reprenons la phrase célèbre : « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité ». Alessandro Scali (Beyond the pillars of Hercules, 2006) recrée poétiquement ces petits pas à l’échelle nano, mais à une si petite échelle, le travail devient colossal, d’où la référence dans le titre de son œuvre aux colonnes d’Hercules. Michel Paysant (OnLAB, 2010) se joue des images et de leur reproduction à des échelles allant du macro au nano. Ses plans de villes antiques issus de gravures sélectionnés dans les collections du Musée du Louvre, sont ici reproduits en micro-sculptures, puis en nanolithographie et ensuite associés à leur vue satellitaire via Google Earth. Quelle représentation est-elle plus proche de la réalité? Cette question, centrale dans son travail, résonne également pour la diffusion des images scientifiques dans la presse. Que montrent-elles finalement ? Et que voit-on dans l’oeuvre de Grit Rulhand (Pantoffel für Pantoffeltierchen, 2007)? Jouant du nom allemand pour désigner la paramécie : « Pantofells », du fait de sa ressemblance avec une pantoufle, l’artiste interroge notre rapport à ce monde invisible et à la tendance très humaine de tout transposer à l’échelle du monde palpable. C’est d’ailleurs ce que fait Ludwig (Quantic Fireflies, 2010) en permettant au public de se projeter dans un champ ouvert de matière lumineuse travaillée selon les principes de la physique quantique, parcourue d’ondes, d’interférences, de flashes et d’éclairs.

    Toutes ces propositions se jouent des codes artistiques et scientifiques de l’image. L’intervention des artistes décale nos positions habituelles influencées par nos préconçus au sujet des nanosciences.

     

    Responsable de l’exposition : Christian Satgé

    Chargée de production : Natacha Détré

     

    Images & mirages @ nanosciences

    Du 8 au 16 décembre 2011

    À La Fabrique, Université Toulouse-2 Le Mirail

     

     


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires